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Bien vieillir, c’est encore mieux

Personnes âgées

Bien vieillir, c’est encore mieux

La prévention : une clé de la réussite

Rédacteur : Philippe MIGLIASSO, Cadre Supérieur de Santé – Administrateur, Centre de Coordination Gérontologique de Monaco, 18, Rue Princesse Florestine 98 000 MONACO

Le phénomène de géronto-croissance annoncé depuis plusieurs années par les démographes s’intensifie. Les baby-boomers, personnes nées après-guerre arrivent dans la catégorie senior. Dynamiques et investis dans la société, le profil du senior change. Si nous pouvons nous réjouir de l’augmentation de l’espérance de vie de plus de 15 années ces 50 dernières années, la question d’un vieillissement en bonne santé s’impose face aux chiffres des études épidémiologiques récemment publiées.

Ce mouvement démographique s’accompagne d’une augmentation des maladies neurodégénératives. En raison du vieillissement progressif de la population, le nombre de personnes souffrant de maladies neurodégénératives a considérablement augmenté au cours des dernières décennies et devrait croître de manière régulière dans les années à venir. Force est de constater qu’une personne sur 8 en Europe sera concernée par une pathologie du système nerveux.

Il devient intéressant de s’interroger sur la conduite à tenir pour faire face à cette évolution qui concernent chacun à titre individuel mais aussi collectif. De quelles pathologies parlons-nous ? Qu’est-ce que la prévention ?  Quelles sont les mesures préventives, à la portée de chacun, pour prévenir la perte d’autonomie ?

1. De quelles pathologies s’agit-il [1] ?

La maladie d’Alzheimer, les démences vasculaires, démences mixtes, démences à corps de lewy sont les plus fréquentes des maladies neurodégénératives.

  • Elles représentent une cause majeure de la perte d’autonomie.
  • La maladie d’Alzheimer est la cause la plus courante de démence et serait à l’origine de 70 % des cas.
  • Elle touche environ 900 000 personnes en France, plus de 4,9 millions de personnes en Europe et environ 25 millions de personnes dans le monde.

Ces chiffres devraient doubler d’ici à 2050.

La maladie de Parkinson est une maladie neurodégénérative lentement évolutive avec un impact important sur la qualité de vie, l’activité professionnelle et les liens sociaux.

  • 2ème maladie neurologique la plus fréquente après la maladie d’Alzheimer
  • 2ème cause de handicap moteur d’origine neurologique chez les personnes âgées
  • Elle touche plus de 150 000 personnes en France, plus de 1,2 million de personnes en Europe et plus de 6,3 millions de personnes dans le monde.

La Sclérose Latérale Amyotrophique – SLA est une maladie neurodégénérative rare, elle est la cause d’un handicap moteur progressif.

  • Représente 1/3 des troubles neuromusculaires
  • Elle touche environ 8 000 personnes en France (1 personne sur 1 000), plus de 100 000 personnes en Europe et près de 120 000 personnes dans le monde soit environ 328 nouveaux cas chaque jour.

Les pathologies d’origines vasculaires, notamment les accidents vasculaires cérébraux occupent une place importante dans la perte d’autonomie.

Accidents Vasculaires Cérébraux – A.V.C.

  • 1ère cause de handicap moteur acquis de l’adulte.
  • 2ème cause de démence (après la maladie d’Alzheimer).
  • 2ème cause de mortalité dans le monde (environ 10 % des décès), 3ème cause de mortalité dans les pays développés.
  • 2ème cause de décès après 60 ans, et 5ème cause de décès entre 15 et 59 ans.
  • Chaque année sont enregistrés environ 130 000 cas en France, environ 1,3 million de cas en Europe et plus de 15 millions de victimes dans le monde dont près de 6 millions de cas mortels.
  • Un AVC survient toutes les 4 minutes en France et toutes les 5 secondes dans le monde.
  • Plus de 1 sur 3 d’entre eux sont mortels (et plus de 1 sur 3 laissent des séquelles sévères avec une invalidité permanente).
  • Parmi les survivants, environ 60 % récupèrent une indépendance fonctionnelle alors qu’environ 40 % gardent des séquelles importantes, remettant en cause leur autonomie dans leur vie quotidienne. 

2. Qu’est-ce que la Prévention ?

La prévention devient un élément majeur à titre individuel mais aussi collectif si nous souhaitons profiter d’un allongement de l’espérance de vie en bonne santé. Ainsi, l’évolution démographique impose de passer aujourd’hui à l’ère de la prévention.

Selon la Haute Autorité en Santé, la prévention consiste à éviter l'apparition, le développement ou l'aggravation de maladies ou d'incapacités.

Sont classiquement distinguées la prévention primaire qui agit en amont de la maladie (ex : vaccination et action sur les facteurs de risque), la prévention secondaire qui agit à un stade précoce de son évolution (dépistages) et la prévention tertiaire qui agit sur les complications et les risques de récidive.

En Principauté, depuis 2006, année de création du Centre de Coordination Gérontologique de Monaco, ce dernier a particulièrement investit ses actions sur la prévention secondaire et la prévention tertiaire bien que cette dernière relève plus du paradigme curatif donc du médecin traitant et des équipes médicales de la filière gérontologique.

En effet, lors de la réalisation des bilans annuels au domicile, l’outil gérontologique que représente l’Évaluation Gérontologique Standardisée (E.G.S.) va permettre l’évaluation de l’autonomie de la personne sur le plan physique, sa capacité d’interaction avec son environnement et dépister la présence de troubles cognitifs. Au regard de ce bilan, les préconisations proposées dans le cadre d’un plan d’aide vont permettre de prévenir le glissement de la personne vers une perte d’autonomie en lui proposant des aides humaines et matérielles appropriées et d’orienter la personne vers le centre mémoire pour un bilan neurocognitif plus approfondi selon les signes évocateurs constatés lors des tests de dépistage. En ce sens, l’action du C.C.G.M. se situe dans un paradigme fonctionnel complémentaire mais différent des services médicaux dont l’action se situe dans un paradigme curatif.

Les bilans de réévaluations annuelles relèvent quant à eux de la prévention tertiaire, car ils vont permettre de mesurer l’écart entre l’E.G.S. de l’année antérieure et l’E.G.S. de l’année en cours. Ainsi, ils ont pour objectif de remettre en question les préconisations de l’année précédente en les adaptant à la situation du jour afin d’éviter les complications et risques de récidive.

3. Des habitudes de vie contributives à la prévention de la perte d’autonomie :

Alors se pose la question des mesures préventives avant que les premières incapacités ne s’installent. Il s’agit de la prévention primaire de la perte d’Autonomie qui repose sur différents piliers :

Selon des études réalisées par l’équipe de médecine du sport de Toulouse, grâce à la prévention par l’activité physique, il est possible de prévenir certains troubles de la marche et même prévenir l’apparition de maladies chroniques et leurs complications.

Promouvoir le sport ou préconiser des séances d’activité physique pourrait être intéressant, encore faut-il que la population ciblée intègre l’intérêt de l’activité physique comme une forme de traitement préventif de certaines maladies.

L’institut de recherche biomédicale et d’Épidémiologie du Sport (IRMES) explique que chez les seniors, le principal frein est le manque d’envie pour 42%, le manque de temps pour 17% et l’état de santé pour 13%.

Plusieurs études ont montré que même à 75 ans, en étant actifs, les seniors gagnent 2 à 3 années de vie supplémentaire. «Ce n’est pas de la vie en plus pour rien, grâce à l’activité physique, les seniors y gagnent en qualité de vie tant sur le plan physique que sur le plan psychique» Prof. TOUSSAINT.

Lien social

Les chercheurs travaillent sur les facteurs de risque qui favorisent le déclin cognitif et peuvent conduire à développer une maladie d’Alzheimer ou une maladie apparentée, mais aussi sur les facteurs qui l‘empêchent, le retardent ou le ralentissent, comme les relations sociales.

En comparant la fréquence des troubles cognitifs chez les personnes ayant les interactions sociales les plus importantes avec celles étant les plus isolées, cette étude, parue sur le site scientifique en ligne PLoS, a révélé que les relations sociales réduisent de 12 % le risque de développer la maladie d’Alzheimer ou une maladie apparentée.

Alimentation [2]

L’alimentation est au cœur de la prise en charge globale de la personne âgée. Les études épidémiologiques apportent de plus en plus d’éléments en faveur d’un rôle de l’alimentation dans la protection contre le vieillissement cérébral, permettant de ralentir le déclin cognitif lié à l’âge, voire de retarder l’apparition des signes cliniques de démence. Il n’existe sans doute pas de nutriment « miracle » pour le cerveau, mais une synergie d’effets de nutriments tels que peut les apporter une alimentation variée et équilibrée (Gu et al., 2010).

Adaptabilité à son environnement

Le changement le plus important que connait nos sociétés contemporaines est aujourd’hui la transition numérique. Elle présente de nombreuses opportunités, se libérer des taches automatiques, faciliter la communication, rompre l’isolement… Elle a montré la place importante qu’elle représente pendant la pandémie COVID19 mais elle présente un risque d’exclusion notamment pour les générations qui ne sont pas nées dans cette culture technologique. Ainsi, vient d’apparaitre un nouveau concept, la Technopénie dans l’univers gérontologique.

Dans leur article de la revue de gériatrie [3], les auteurs MOULIAS (Robert); RUMEAU (Pierre); MOULIAS (Sophie) précisent

L'absence d'accès aux technologies "nouvelles" est à la source d'un nouveau handicap qui altère l'accès à la vie sociale d'une partie de la population, notamment celle des personnes âgées : la "technopénie". Cette carence peut être liée à la personne elle-même, qui n'a pas reçu de formation adaptée ou qui fait preuve d'un refus délibéré d'usage, mais aussi à l'environnement de la personne (négation du besoin d'usage, mauvaise adaptation de la technologie aux besoins de la personne, sous-information du professionnel prescripteur ou utilisateur, absence d'offre adaptée.). Pourtant, ces nouvelles technologies peuvent devenir des outils puissants de lutte contre l'isolement et de compensation adaptée des handicaps, à condition de respecter une éthique du service, de l'assistance, du soin et de ne pas supprimer l'accompagnement humain, mais au contraire de le libérer des tâches automatiques. Réduire le handicap "technopénique" nécessitera un développement des formations et des études en gérontechnologie.

Ainsi, l’évolution démographique de nos sociétés contemporaine repose sur l’appréhension de chacun face à son propre vieillissement et les mesures préventives qu’il va adopter dans ses habitudes de vie afin de se donner tous les atouts pour évoluer vers un vieillissement en bonne santé. En ce sens, le repérage des besoins émergeants de la population, l’information interdisciplinaire médico-sociale conduisent à une évolution de l’accompagnement des seniors passant d’un paradigme curatif vers un paradigme fonctionnel dans lequel la prévention prend une place capitale.

[1] Réf. https://institutducerveau-icm.org/fr/chiffres-cles/

[2] https://www.cairn.info/revue-gerontologie-et-societe.html

[3] LA REVUE DE GERIATRIE. N° 2, N° tome 41, 2016/02/01, pages 89-95, 5 réf.