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 La relaxation : apprendre à réguler ses émotions

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La relaxation : apprendre à réguler ses émotions

Rédacteurs : Joy ANSALDO, neuropsychologue, et Sabine AUBRIL et Adrien CHAUVET, infirmiers en psychiatrie

UPPM "La Roseraie"

Enfant, nous avons appris à parler, à marcher, à lire, à écrire… des apprentissages qui ont permis le développement de notre cerveau avec l’acquisition de compétences et de savoirs. Longtemps considérée comme innée, la régulation émotionnelle commence à peine à bénéficier d’enseignements dans certaines écoles primaires. Pourtant, les émotions font partie intégrante de notre quotidien, et ce, depuis notre naissance jusqu’à notre déclin.

 

C’est quoi une « émotion » ?

Les chercheurs en neurosciences s’intéressent depuis quelques années déjà aux émotions pour proposer une définition plutôt consensuelle (1). Les émotions surviennent en réaction à l’environnement (stimulus) qui va produire des réactions chimiques dans le corps (systèmes neuronaux et endocriniens). Ces réactions chimiques vont avoir plusieurs effets : induire un sentiment de plaisir ou de déplaisir ; influencer notre mémoire, notre attention ou d’autres processus cognitifs ; susciter des sensations physiologiques (accélération du rythme cardiaque, augmentation de la température corporelle, sudation, rougissement, production de larmes, etc.) ; et provoquer des comportements visant à exprimer extérieurement ces ressentis internes.

Au même titre que la lecture ou l’écriture, la régulation émotionnelle est un réel apprentissage. Apprendre à réguler ses émotions, c’est d’abord apprendre à les repérer et à les nommer, à leur donner une intensité, et à les exprimer. Il existe d’ailleurs des personnes qui en sont incapables, cela s’appelle l’alexithymie (2). Egalement, certaines personnes ne parviennent pas à reconnaître les expressions faciales rattachées aux émotions, c’est notamment le cas des personnes atteintes de schizophrénie ou de troubles du spectre de l’autisme (3).

 

La dysrégulation émotionnelle

Généralement, les émotions apparaissent très rapidement et se dissipent plutôt vite. Néanmoins, lorsque l’émotion perdure, des troubles peuvent survenir. Par exemple, un stress qui se chronicise pourra provoquer des troubles anxieux (crises d’angoisse), une tristesse ressentie quotidiennement pourra entraîner une dépression. Ainsi, certaines personnes peuvent souffrir de dysrégulation émotionnelle, ce qui se traduit par une sensibilité exagérée aux stimuli, des émotions plus intenses qui surviennent plus fréquemment et qui se maintiennent plus longtemps. Cette dysrégulation émotionnelle est communément retrouvée sous l’appellation « hypersensible » ou encore « haut potentiel émotionnel (HPE) », deux dénominations qui, même si elles ont fait leurs preuves sur le plan marketing, ne reposent sur aucun fondement scientifique. Les descriptions qui en sont données sont générales et applicables à tout un chacun facilitant l’identification. En revanche, la dysrégulation émotionnelle est un réel symptôme qui se retrouve notamment chez les personnes souffrant de psychotraumatisme, d’insomnie, de Trouble Déficitaire de l’Attention avec/sans Hyperactivité (TDA/H), des Troubles des Conduites Alimentaires (TCA), de trouble de la personnalité borderline, de Troubles du Spectre de l’Autisme (TSA), ou encore de trouble bipolaire.

 

Comment réguler des émotions trop envahissantes ?

Dans un premier temps, il est souhaitable de mettre de la distance avec le stimulus à l’origine de l’émotion en prenant, par exemple, du temps pour soi, en allant se promener dans la nature, en faisant du sport, en allant au cinéma, etc.

Dans un second temps, si l’émotion perdure, ou si elle se manifeste fréquemment, il peut être bénéfique de noter les événements qui engendrent ces émotions et leur donner une intensité allant de 0 (émotion absente) à 10 (émotion très forte), cela vous permettra de prendre du recul.

Enfin, il existe des techniques de relaxation permettant de réguler les émotions, et les sensations qu’elles génèrent. Le socle de la relaxation est le travail sur le souffle, élément physiologique tangible qui permet de se centrer sur l’instant présent, plutôt que d’être focalisé sur des événements passés ou futurs.

Avant d’envisager ces différentes techniques, il faut au préalable s’assurer de certaines conditions propices à la détente : être dans un environnement calme où l’on ne sera pas dérangé, couper son téléphone, être en position allongée ou bien assise du moment que l’on se sent confortable, il est possible de mettre un fond sonore en veillant à ce que la musique soit douce, sans paroles, et à un niveau sonore faible.

 

La cohérence cardiaque

La cohérence cardiaque est une technique de respiration qui consiste à faire 6 respirations par minute durant 5 minutes au moins 3 fois par jour. Cette pratique permet de synchroniser la variabilité cardiaque avec la fréquence respiratoire, en agissant sur le système parasympathique (système nerveux autonome) qui ralentit les battements du coeur. De ce fait, pratiquée

quotidiennement, la cohérence cardiaque apporte de nombreux bénéfices physiologiques (4) comme :

- Baisse du cortisol (hormone sécrétée en réponse au stress) ;

- Prévention de l’anxiété et de la dépression en agissant sur la dopamine et la sérotonine (des neurotransmetteurs impliqués dans le sentiment de plaisir et de bonheur) ;

- Augmentation de l’ocytocine (hormone qui procure du plaisir à être en présence d’autrui) ;

- Augmentation des ondes alpha favorisant l’apprentissage et la mémorisation ;

- Réduction de la tension artérielle (prévention des maladies cardio-vasculaires).

Il est possible d’utiliser des applications servant de support, comme Respirelax© ou Petit Bambou©.

 

Le training autogène de Schultz (5)

Cette technique est basée sur l’autohypnose et est surtout utilisée avec des personnes souffrant d’un trouble anxieux généralisé, d’un trouble panique ou encore d’agoraphobie.

Dans un premier temps, il s’agit de se focaliser sur les sensations corporelles comme la lourdeur, la chaleur, induites par la parole. L’idée est que les personnes anxieuses ont tendance à se focaliser sur leurs ressentis physiques désagréables (chaleur, sudation, fourmillements, etc.), ce qui majore d’autant plus l’anxiété et peut conduire à des crises d’angoisse. L’objectif est donc d’assimiler certaines sensations corporelles à des ressentis plus sereins. Par exemple, au lieu d’associer la lourdeur à l’oppression, associer la lourdeur à l’endormissement.

Dans un second temps, il est proposé de visualiser un lieu apaisant, ressourçant. Ce peut-être un lieu réel ou imaginé. L’idée est d’associer la détente corporelle à l’imagerie mentale pour renforcer les effets de la relaxation.

 

La relaxation progressive de Jacobson (6)

Il s’agit de la méthode fondatrice des pratiques physiologiques (retrouvées sous l’appellation « relaxation dynamique »). Le principe de base est que toute tension psychique va toujours provoquer une tension musculaire. Cela implique donc que si les muscles d’un individu sont relâchés, il ne peut pas être anxieux. Dans les faits, il s’agira d’abord de prendre conscience de son état de tension musculaire en portant attention au corps, afin de comprendre son état présent et le lien entre les crispations physiques et la tension psychique. Ensuite, il faudra créer des tensions corporelles et produire un relâchement pour constater la différence de ressentis lorsque les muscles sont tendus puis relâchés, créant un sentiment d’apaisement vécu par le corps.

 

En conclusion…

Apprendre à réguler ses émotions c’est aussi apprendre à s’adapter, à être plus flexible face aux changements et aux difficultés auxquelles nous devons faire face tout au long de notre vie, comme en témoigne la situation pandémique actuelle. Apprendre à réguler ses émotions, c’est avant tout un moyen de prévenir le risque de syndromes anxieux ou dépressifs.

Tout le monde peut être sujet à des problématiques de dysrégulation émotionnelle, que ce soit ponctuel et réactionnel à un événement, ou bien que cela s’inscrive dans une problématique plus large. Dans le cas de troubles envahissants et persistants, il est nécessaire de consulter un professionnel de santé qui saura évaluer au mieux vos besoins, tels que votre médecin traitant ou un(e) psychologue.

Pour plus d’informations, vous pouvez contacter l’Unité de Psychiatrie et de Psychologie Médicale « La Roseraie » au +377 98 98 44 20 (7 bis avenue des Ligures, 98000 Monaco).

 

Sources citées :

(1) Kleinginna, P. R., & Kleinginna, A. M. (1981). A categorized list of emotion definitions, with suggestions for a consensual definition. Motivation and emotion, 5(4), 345-379.

(2) Berthoz, S. (2004). L’alexithymie ou le silence des émotions. Cerveau et psycho n°6. Juin 2004 https://www.cerveauetpsycho.fr/lalexithymie-ou-le-silence-des-emotions-5520.php

(3) Le Gall, E., & Iakimova, G. (2018). Cognition sociale dans la schizophrénie et les troubles du spectre de l’autisme: points de convergences et différences fonctionnelles. L'Encéphale, 44(6), 523-537.

(4) Monié, B. (2018). 27. Cohérence cardiaque. Dans : , Thérapies comportementales et cognitives: En 37 notions (pp. 249-254). Paris: Dunod.

(5) Baste, N. (2020). Le training autogène de Schultz, sa théorie, son histoire, sa pratique. La Revue de l'hypnose et de la santé, 11(2), 92-97.

(6) Chaloult, L. (2016). La relaxation progressive et différentielle de Jacobson.